L'allaitement maternel

Le lait maternel est la meilleure alimentation pour votre bébé, c'est un "aliment complet" que vous fabriquez.

"Mon lait sera-t-il assez nourrissant ?"
Oui, votre lait sera toujours suffisamment nourrissant pour votre bébé. Le lait maternel est toujours doté de tout ce qu’il faut !

Le lait maternel couvre tous les besoins de votre bébé.
Il contient les vitamines, sels minéraux, oligoéléments, sucres, graisses, protéines dont votre bébé a besoin pour bien grandir, le tout en justes quantités.

Avant le lait, le colostrum

Le colostrum est un « premier lait » qui évolue vers le lait mature au bout de trois jours environ : c'est à ce moment là que la montée de lait a lieu avec une augmentation importante du volume de lait produit.
Dès le deuxième trimestre de votre grossesse, la fabrication du colostrum se met en route. De couleur jaune orangé, ce liquide est très riche en protéines et en anticorps, ce qui en fait un aliment de choix, tout à fait adapté aux besoins de votre enfant pendant les 48 à 72 heures qui suivent sa naissance. Vous pouvez le donner sans restriction, le plus tôt possible.
Si votre bébé ne tète pas pour une raison ou pour une autre, il est toujours possible d’extraire le colostrum et de le lui donner autrement qu’au sein.

Le lait maternel évolue constamment selon les besoins de votre enfant.
Sa composition varie au cours de la tétée, en s’enrichissant en graisses au fur et à mesure que le sein se vide ou lorsque les tétées se rapprochent, mais aussi au cours de la journée et au fil des mois pour s’adapter aux besoins du bébé qui grandit.

Supplément en vitamine K
Pour prévenir un risque hémorragique rare, tous les nouveau-nés doivent recevoir de la vitamine K dès la naissance et pendant toute la durée de l’allaitement exclusif au sein.
D’autres suppléments, notamment en vitamine D, peuvent être prescrits par votre médecin.

Composition et variabilité du lait de femme

Composition du lait de femme

(Hamosh, 2001 ; Jensen, 1995 ; Neville, 2001;
Picciano, 2001a et 2001b ; Salle, 1993)
La composition du lait mature est atteinte très rapidement, 4 à 5 jours après le début de l'allaitement.

Protéines et substances azotées
La teneur en protéines du lait de femme, comprise entre 8 et 12 g/L, est nettement inférieure à celle des autres mammifères.
Néanmoins, elle est parfaitement adaptée aux besoins du nourrisson en raison d'une excellente absorption et d'une parfaite adéquation du profil de ses acides aminés.
Les protéines du lait de femme sont aussi très spécifiques ; même les caséines, qui ne représentent que 40 % des protéines (contre 80 % dans le lait de vache) sont différentes. Les caséines du lait de femme forment des micelles beaucoup plus petites que celles du lait de vache.

Il s'agit surtout de la caséine – dont l'hydrolyse conduit à des peptides (caséomorphines) à propriétés opioïdes et de la caséine – hautement glycosylée, dont la fraction C terminale a des effets bifidogènes. Enfin, un pourcentage élevé de protéines (60 %) ne précipite pas avec les caséines ; elles sont dites « protéines solubles ». Ce pourcentage élevé de protéines solubles et les micelles de caséine de petite taille expliquent la coagulation plus fine du lait de femme dans l'estomac du nourrisson, contribuant à une vidange gastrique plus rapide. Parmi ces protéines solubles, certaines ont un rôle fonctionnel essentiel comme les immunoglobulines, en particulier les IgA de type secrétoire (IgAs) (0,5 à 1 g/L), les lactoferrines, le lysozyme, la béta-défensine 1, des enzymes (en particulier une lipase), des facteurs de croissance comme l'Insuline-like Growth Factor (IGF1), le Transforming Growth Factor (TGF), les facteurs de croissance leucocytaire (G-CSF) et l'Epidermal Growth Factor (EGF), qui a une action trophique sur les muqueuses gastrique et intestinale.

On trouve aussi de l’érythropoiétine, des protéines de liaison des folates, des vitamines B12 et D, de la thyroxine et des corticostéroïdes, et différents cytokines, pro-inflammatoires (TNF-_, IL1_, IL6, IL8 , IL12, IL18) ou anti-inflammatoires (IL10, TGF_2), dont le rôle physiologique reste à préciser. Le lait de femme n'est donc pas un simple « véhicule » de nutriments ; il a de nombreuses propriétés biologiques.

A côté des protéines, la somme des peptides, des acides aminés libres (dont la taurine), de l'urée, de l'acide urique, des sucres et alcools aminés, des polyamines, des nucléotides, et de la carnitine, représente 20 à 25 % de l'azote total du lait, alors qu'elle ne constitue que 3 à 5% de cet azote dans le lait de vache.

Lipides et digestibilité des graisses
Si la teneur en lipides (35 g/L en moyenne) est proche de celle du lait de vache, la digestibilité et le coefficient d'absorption des graisses du lait de femme sont très supérieurs (80 % contre 60 % dans les premiers jours, atteignant rapidement 95% contre 80 % à 3 mois pour le lait de vache).

La meilleure digestibilité des graisses tient à la présence dans le lait de femme d'une lipase dépendante des acides biliaires du nouveau-né qui compense, au niveau duodénal, l'insuffisance des lipases pancréatiques; s'y ajoute la structure différente des triglycérides : 70 % de l'acide palmitique (25 % des acides gras totaux) étant en position 2 sur le glycérol, il est bien absorbé sous forme de monoglycéride ce qui n'est pas le cas avec le lait de vache.

Le lait de femme est riche en cholestérol (2,6 à 3,9 mM/L) alors que le lait de vache en contient peu (0,3 à 0,85 mM/L). La cholestérolémie est d'ailleurs plus élevée chez le nourrisson au sein. Il faut rappeler le rôle du cholestérol dans la structure des membranes, comme précurseur hormonal et dans le développement cérébral.

Le lait de femme contient des acides gras poly-insaturés (AGPI), acides gras essentiels mais aussi leurs homologues supérieurs, en particulier acide arachidonique (AA : 0,46 g/100 g d'acides gras) dans la série linoléique (n-6) et acide docosahexaénoïque (DHA : 0,25 g/100 g d'acides gras) dans la série _-linolénique (n-3). Cette teneur dépend des apports alimentaires en acides gras n-6 et n-3 de la femme allaitante (Heird, 2000). L’AA et le DHA ont un rôle démontré dans les processus de maturation cérébrale et rétinienne. L'immaturité chez le prématuré des processus d'élongation et surtout de désaturation qui permettent leur synthèse à partir des deux acides gras essentiels ont conduit à un consensus sur la nécessité d'une supplémentation spécifique et équilibrée en AA et en DHA des préparations pour prématurés.

Glucides et oligosaccharides du lait de femme
Globalement, le lait de femme mature contient 75 g/L de glucides, dont 63 g de lactose et 12 g d'oligosaccharides, alors que le lait de vache ne comporte que du lactose.
Formés de cinq sucres élémentaires (glucose, galactose, N-acétylglucosamine, fucose, acide sialique), de structure ramifiée, les oligosaccharides constituent une originalité majeure du lait de femme : ils sont au nombre de plus de 130 et constituent de véritables prébiotiques. Non digestibles au niveau du grêle, à l'exception de l'acide sialique qui peut en être clivé puis absorbé, ils jouent un rôle essentiel dans la mise en place de l'écosystème bactérien colique dominé chez l'enfant au sein, par les bifidobactéries, en particulier Bifidobacterium bifidum.
Le rôle des ces oligosaccharides (quasiment absents du lait de vache) dans la protection vis-à-vis des infections digestives, mais aussi extra-digestives, est aujourd'hui bien argumenté (Kunz, 2000).

Autres composants du lait de femme

La teneur relativement faible en azote et en sels minéraux (2,50 g/L) permet de limiter la charge osmolaire rénale à des valeurs assez faibles (93 mOsm/L), alors qu'elle est beaucoup plus élevée pour le lait de vache (308 mOsm/L). Cette faible charge osmolaire rénale constitue une sécurité en cas de pertes hydriques excessives, par transpiration ou diarrhée, en permettant de mieux assurer le maintien à l'équilibre de la balance hydro-minérale.

Un autre point important concerne la meilleure biodisponibilité de différents oligoéléments comme le fer et le zinc, en raison des ligands présents dans le lait de femme, qui facilitent leur absorption.

Le lait de femme : un aliment évolutif

Durant les trois premiers jours de l'allaitement, le lait de femme, alors appelé colostrum, a une composition différente du lait mature. Moins riche en lipides et en lactose, il a une densité énergétique moindre (450-480 contre 650-700 kcal/L) ; il est par contre plus riche en cellules immuno-compétentes (10 fois plus), en oligosaccharides (22 à 24 contre 12 à 13 g/L), et en protéines (22 contre 11 g/L).

L'augmentation porte sur les protéines solubles fonctionnelles comme les immunoglobulines, en particulier les IgAs, les lactoferrines, différents facteurs de croissance (G-CSF, EGF, IGF1), les différentes cytokines, alors que les caséines sont pratiquement absentes. Tous ces éléments contribuent à protéger le nouveau-né qui est particulièrement vulnérable aux infections. En quelques jours, la composition rejoint celle du lait mature. Le lait des femmes qui accouchent prématurément est plus riche en AGPI ( Acides gras polyinsaturés), ce qui correspond aux besoins plus élevés des prématurés en ces AGPI pour la maturation cérébrale.

En cours de têtée, la composition du lait change et s'enrichit en graisses et en micelles de caséine. L'analyse d'un échantillon isolé de lait n'a donc pas de sens et pourrait faire croire à tort que la densité calorique du lait est insuffisante, alors que celle-ci reste normale, même lorsque la mère est en situation de malnutrition.
Des variations de l'alimentation maternelle peuvent cependant influer sur la composition du lait en acides gras, la teneur en iode, en sélénium, en vitamine A et en vitamines du groupe B.

Qualités nutritives du lait maternel et croissance chez les enfants allaités

L'allaitement maternel est le mode d'alimentation de référence du nouveau-né.
C'est la courbe de croissance pondérale du nourrisson nourri au sein qui doit rester la référence.

Pour une mère qui souhaite allaiter ou qui allaite, la principale crainte réside dans la qualité nutritionnelle de son lait.
C’est une question particulièrement importante au cours des premiers mois d’allaitement, qui peut être à l’origine d’un sevrage anticipé. Cette crainte est accentuée par la constatation que cet enfant allaité prend moins rapidement du poids que les enfants recevant du lait artificiel au cours des tous premiers mois de vie. Dans ce contexte, les professionnels de santé doivent, avant même la naissance, expliquer à la mère quels sont les avantages nutritionnels du lait maternel et quelle est la croissance normale d’un enfant au sein.

Certes, les apports en protéines, énergie et minéraux du lait maternel sont faibles, mais la qualité de ces apports est nettement supérieure à ce que l’on trouve dans les préparations pour nourrissons.
Ainsi, l’apport protéique est peu élevé (0,9 à 1,1 g/dl) mais apporte des éléments essentiels pour constituer une meilleure défense vis - à - vis des agressions infectieuses (Ig A, lactoferrine, lysozyme, oligo-saccharides,…).

Par ailleurs, ces protéines du lait maternel ne comprennent pas de bétalactoglobuline, qui est à l’origine des allergies aux protéines du lait de vache. De plus, la faiblesse de l’apport protéique dans le lait maternel pourrait être un avantage à long terme. En effet, il a été suggéré que les enfants recevant des apports protéiques trop élevés pendant les deux premières années avaient un rebond d’adiposité trop précoce et donc un risque d’obésité ultérieure. Les fabricants de préparations pour nourrissons ont bien compris cette notion et ont récemment réduit les quantités de protéines dans leurs produits. De la même façon les minéraux (calcium, phosphore) sont présents en quantité faible dans le lait maternel mais ils ont une meilleure disponibilité que toutes les préparations à base de lait de vache actuellement disponibles. Enfin, contrairement au lait de vache, le lait maternel contient des acides gras essentiels qui interviendraient au niveau du développement cérébral, rétinien, mais aussi au niveau de la synthèse des médiateurs de l’inflammation et des médiateurs vasculaires.

Reste la question du fer, de la vitamine D et de la vitamine K qui ne sont pas présents en quantité suffisante dans le lait maternel. Ainsi, il est actuellement recommandé de supplémenter l’enfant en vitamine D car les mères sont actuellement moins exposées au soleil qu’elles ne l’étaient à d’autre périodes de l’évolution humaine. Leurs réserves en vitamine D étant moins importantes, cela induit un risque d’hypocalcémie néonatale puis, le risque d’une moins bonne minéralisation osseuse ultérieure.
Le lait maternel induit la mise en place d’une flore intestinale anaérobie caractéristique chez le nouveau-né et le nourrisson. Dans cette flore prédominent les bifido-bactéries et les lactobacilles, au détriment d’autres bactéries qui ne peuvent pas synthétiser la vitamine K.
Associé à un contenu faible en vitamine K du lait maternel et à la situation particulière du nouveau-né concernant la synthèse des facteurs de coagulation, il apparaît indispensable d’administrer de la vitamine K en supplémentation, tant que dure l’allaitement maternel.

Les concentrations de fer dans le lait maternel sont très faibles mais ce fer a une bio-disponibilité excellente. Cependant, cela ne sera pas suffisant si l’allaitement maternel exclusif est prolongé au delà de six mois. En cas de diversification, il existe d’autres sources d’apport en fer. S’il n’y a pas de diversification, il faut alors apporter un supplément médicamenteux en fer, jusqu’à ce que la diversification soit mise en place.

La densité calorique du lait maternel est plus faible que dans les préparations pour nourrissons, ce qui peut expliquer des différences de rythme de croissance chez les enfants allaités par rapport aux enfants recevant des préparations à base de lait de vache. Toutefois, l’analyse des courbes de croissance des enfants allaités de façon exclusive pendant un an montre que ceux-ci ont une taille similaire aux autres enfants à la fin de la première année, tandis que leur poids est légèrement inférieur. La croissance osseuse est donc satisfaisante, ce qui est essentiel puisqu’il s’agit de la base même de la croissance.

Au total, il faut que l’ensemble des professionnels de santé amenés à conseiller et à guider les mères soient convaincus que les différences de croissance entre l’enfant allaité et l’enfant recevant une préparation à base de lait de vache ne sont que transitoires et sans conséquence ultérieure. Bien au contraire, ces différences pourraient être bénéfiques à long terme (obésité, maladies cardio-vasculaires,…).

Tout se passe donc comme si l’allaitement, qui n’est pas toujours facile à réaliser, était un mode d’alimentation adapté pour les mères les plus patientes et les plus déterminées à fournir à leur enfant une alimentation dont elles connaissent les inconvénients à court terme et les avantages à long terme. Cette patience et cette détermination pourraient participer aux effets positifs à long terme décrits chez les enfants allaités, par exemple concernant le développement intellectuel.

Il ne faut donc pas se contenter de répondre aux mères inquiètes que leur lait est « toujours bon », mais il est nécessaire d’expliquer que les quantités de protéines et d’énergie légèrement plus faibles que dans les préparations à base de lait de vache expliquent une croissance légèrement inférieure, sans conséquence à long terme.
Ce discours gagne à être accompagné d’une présentation claire, sans prosélytisme, des avantages reconnus de l’allaitement, au delà de la simple prévention des infections.

Pour aller plus loin :
sdp.perinat-france.org
mpedia.fr