Alimentation : les cantines scolaires sont-elles à la hauteur ?

02/12/2025

En 2025, la cantine scolaire ne se contente plus de remplir les estomacs. Elle s’est hissée, en silence, au rang de dispositif stratégique. Santé publique, transition écologique, cohésion sociale : on lui en demande beaucoup. Trop ? C’est devenu un laboratoire d’objectifs vertueux et de contradictions bien françaises.

Près de 85 % des élèves fréquentent aujourd’hui la cantine, au moins occasionnellement. Derrière cette adhésion massive, un cadre législatif nettement renforcé depuis la fin des années 2010. Les lois EGalim (2018) et Climat et Résilience (2021) ont introduit des objectifs clairs : 50 % de produits durables ou sous signes de qualité, dont 20 % de bio. S’ajoute l’obligation d’un menu végétarien hebdomadaire depuis 2019.

Mais entre la norme et le terrain, l’écart persiste. En 2024, seules 18 % des communes respectaient strictement les seuils. Raisons invoquées : contraintes budgétaires, logistiques, parfois humaines. Le respect des critères GEMRCN, censés garantir un équilibre nutritionnel, demeure une base. Mais la pression écologique rebat les cartes : aujourd’hui, on compte aussi les grammes de CO₂ dans l’assiette.

Nutrition : des preuves, des limites

Les bénéfices de la cantine sont documentés. Selon Santé publique France, un enfant qui y déjeune régulièrement voit son risque d’obésité réduit de 12 %. Le déjeuner scolaire fournit 36 % des apports énergétiques quotidiens, et jusqu’à 50 % pour les nutriments dits protecteurs.

La cantine scolaire en 5 chiffres clés

85 %

des élèves déjeunent à la cantine

–12 %

de risque d’obésité chez les enfants concernés

8,49 €

coût moyen d’un repas en 2025

18 %

des communes respectent les seuils bio & durables

100 g

de nourriture gaspillés par repas (contre 120 g en 2020)

Mais la qualité dépend du contenu. Le rôle des plats protidiques reste central – viande, poisson, œufs ou substituts végétariens bien choisis. L’INRAE a montré qu’une alternance rationnelle, avec 12 repas végétariens sur 20, réduirait de moitié l’empreinte carbone, sans affecter la valeur nutritionnelle. Encore faut-il savoir varier : depuis que l’ANSES déconseille le soja à l’école, les collectivités doivent jongler avec les œufs, les légumineuses ou les céréales complètes. Ce qui est loin d’être systématique.

Moins de gaspillage, plus de contraintes

La cantine s’est aussi convertie aux impératifs environnementaux. Menus végétariens multipliés, circuits courts encouragés, bio valorisé. Et le gaspillage, autrefois angle mort, est désormais traqué. Le diagnostic obligatoire mis en place en 2019 a permis de réduire la part de nourriture jetée de 120 à 100 grammes par repas entre 2020 et 2024. Une amélioration, mais fragile.

Autre symbole : la fin des contenants plastiques, entrée en vigueur en 2025 malgré des hésitations politiques. Ce changement logistique marque aussi un changement de paradigme. La cantine veut devenir exemplaire. Elle en paie le prix.

Une équité encore à construire

Le repas scolaire coûte aujourd’hui en moyenne 8,49 euros, contre 7,63 euros en 2020. Une inflation qui alourdit les budgets des collectivités. Pour y répondre, l’État a élargi le dispositif de la “cantine à un euro”, cofinancée jusqu’à 4 euros pour les communes de moins de 10 000 habitants.

Mais l’injustice sociale persiste. Les enfants des familles les plus modestes restent sous-représentés à la cantine. Ils sont aussi les moins exposés aux bénéfices protecteurs du repas scolaire. À l’échelle territoriale, les écarts sont tout aussi visibles : les communes rurales, moins dotées, peinent davantage à suivre les ambitions nationales.

Un lieu d’apprentissage… et d’expérimentation

En parallèle, la cantine devient un outil pédagogique. En 2025, 85 % des écoles primaires organisent au moins trois ateliers du goût chaque année. Objectif : diversifier les palais, et si possible, remplir les assiettes de légumes. Résultat : +24 % de légumes variés consommés chez les enfants participant.

L’innovation technologique s’invite elle aussi au réfectoire. Plateaux connectés, applications de suivi nutritionnel, algorithmes d’analyse des habitudes alimentaires : les outils numériques tentent de décrypter ce qui se joue autour de la table. Certaines expérimentations montrent que des portions adaptées à l’appétit de chaque élève peuvent réduire le gaspillage de 40 %. Encore une promesse.

La cantine scolaire est entrée dans une nouvelle ère, mais rien n’est acquis. L’universalisation des menus végétariens, l’accès au bio dans tous les territoires, la soutenabilité financière pour les collectivités : les chantiers ne manquent pas. Surtout quand la norme précède la capacité d’action. Longtemps perçue comme une prestation logistique parmi d’autres, la restauration scolaire est devenue une pièce maîtresse des politiques publiques. Elle nourrit les enfants, mais aussi les débats. Elle cristallise les ambitions, les tensions, et parfois les impasses. Bref, elle est devenue très politique.

En bref

  • Nutrition : Un outil efficace contre l’obésité infantile, mais une qualité de menu encore inégale.
  • Réglementation : Des objectifs ambitieux (bio, durable, végétarien) encore loin d’être généralisés.
  • Environnement : Moins de plastique, plus de végétal, mais des contraintes logistiques fortes.
  • Équité : Les enfants les plus modestes restent les moins présents à la cantine.
  • Innovation : De nouveaux outils pédagogiques et numériques transforment l’expérience du repas.
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