Régime végétarien : les effets sur la mortalité

02/12/2025

Peut-on vivre plus longtemps sans manger de viande ? Le végétarisme, entre promesses de santé et risques insoupçonnés.

Longtemps marginal, le régime végétarien s’est imposé dans le débat public, soutenu par des arguments éthiques, environnementaux et sanitaires. Si les motivations sont désormais multiples, une interrogation demeure : ce mode d’alimentation permet-il réellement de vivre plus longtemps ? Au-delà des convictions, que disent les données épidémiologiques sur la mortalité des végétariens comparée à celle des omnivores ? Les réponses sont plus nuancées qu’il n’y paraît.

Végétarisme et espérance de vie : des effets contrastés

De nombreuses études de cohorte à grande échelle ont exploré le lien entre régime végétarien et mortalité toutes causes confondues. Les résultats, bien que hétérogènes, tendent à indiquer un avantage global pour les personnes adoptant une alimentation végétarienne, à condition qu’elle soit correctement structurée sur le plan nutritionnel.

L’Adventist Health Study-2, menée auprès de plus de 88 000 participants aux États-Unis, montre une réduction de 11 % de la mortalité chez les végétariens, avec un effet particulièrement marqué chez les hommes. Une méta-analyse de 2024, portant sur quatorze études et près d’un million de participants, confirme une baisse moyenne de 16 % de la mortalité chez les personnes suivant un régime végétal dit « sain ».

D’autres cohortes, en revanche, nuancent ce tableau. L’étude EPIC-Oxford (Royaume-Uni) ne met pas en évidence de différence significative avec les omnivores sur la mortalité globale ; elle rapporte même une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les végétariens. De son côté, l’étude UK Biobank, qui suit plus de 400 000 personnes, ne constate pas de bénéfice net sur la mortalité, tout en signalant un risque accru de fragilité osseuse.

En Chine, une étude récente menée chez des personnes âgées montre une baisse notable de la mortalité (HR 0,65), tout en associant le végétarisme strict à un vieillissement moins favorable.

Globalement, ces résultats suggèrent que le végétarisme peut être bénéfique pour la longévité, à condition que le régime soit équilibré et adapté au profil des individus.

Santé cardiovasculaire : un bénéfice bien établi

Parmi les effets les mieux documentés du végétarisme figure la réduction du risque cardiovasculaire. Les végétariens présentent, en moyenne, une baisse de 22 à 24 % du risque de cardiopathie ischémique et de mortalité cardiovasculaire.

Plusieurs mécanismes biologiques expliquent cette protection : baisse du cholestérol LDL et des triglycérides, élévation du HDL, diminution de la pression artérielle et du poids corporel. L’alimentation végétarienne est également plus riche en fibres, vitamines antioxydantes (C, E, caroténoïdes) et polyphénols, qui contribuent à réduire l’inflammation, protéger les parois vasculaires et limiter l’oxydation du cholestérol.

Le microbiote intestinal joue aussi un rôle central. Une alimentation végétale favorise une plus grande diversité bactérienne et la production d’acides gras à chaîne courte bénéfiques au métabolisme cardiovasculaire, tout en réduisant la production de TMAO, une molécule pro-inflammatoire dérivée de la viande, impliquée dans l’athérosclérose.

Risque de diabète : un impact favorable

Le végétarisme est associé à une diminution significative du risque de diabète de type 2, estimée entre 23 et 30 %. Ce bénéfice s’explique par une meilleure sensibilité à l’insuline, soutenue par une consommation plus élevée de fibres et de polyphénols, ainsi qu’un poids corporel plus faible.

Chez les personnes déjà atteintes, des améliorations notables sont observées : réduction des besoins en insuline, meilleur équilibre glycémique, et baisse des marqueurs inflammatoires.

Certaines études montrent également une diminution de la mortalité liée aux maladies rénales et endocriniennes, en lien avec la moindre incidence du diabète et de l’insuffisance rénale chronique.

Cancers, AVC, ostéoporose : des risques à nuancer

Les données sur le cancer restent ambivalentes. Certaines localisations (digestives ou gynécologiques) semblent moins fréquentes chez les végétariens, mais aucun effet clair n’a été établi sur la mortalité globale par cancer.

Plus préoccupant, plusieurs études, dont EPIC-Oxford, ont observé un risque accru d’AVC hémorragique chez les végétariens, estimé entre +20 % et +48 %. Ce paradoxe pourrait s’expliquer par des carences nutritionnelles, notamment en vitamine B12, dont le déficit entraîne une élévation de l’homocystéine, facteur de fragilité vasculaire. Un taux très bas de cholestérol LDL pourrait également réduire la résistance des parois artérielles.

Les végétariens – en particulier les véganes – présentent par ailleurs un risque accru de fractures, évalué entre 33 % et 50 %, en lien avec des apports insuffisants en calcium, vitamine D et protéines complètes. Ce risque est particulièrement élevé chez les femmes ménopausées et les personnes âgées.

Un apport adapté, via l’alimentation ou la supplémentation, est donc essentiel pour préserver la densité osseuse, prévenir l’ostéoporose et limiter les chutes.

Régime végétarien : la qualité avant tout

Au-delà du simple évitement de la viande, c’est la qualité nutritionnelle du régime qui détermine ses effets sur la santé et la longévité.

Des carences en fer, iode, zinc, calcium, vitamine D, B12 et certains acides aminés essentiels sont fréquentes, en particulier lorsque le régime repose sur des produits ultra-transformés, de plus en plus présents dans les rayons végétariens.

Chez les personnes âgées, ces déficits favorisent la sarcopénie, le déclin cognitif et une détérioration globale de la santé. Certaines études récentes montrent qu’un régime végétarien strict non supplémenté peut être associé à un vieillissement défavorable, avec une hausse des pathologies chroniques (+60 %), de la fragilité physique (+95 %) et des troubles cognitifs (+105 %) chez les personnes âgées véganes.

Par ailleurs, l’essor des produits végétaux industriels – burgers, charcuteries végétales, snacks enrichis – n’est pas sans conséquences. Souvent riches en sucre, sel et graisses de mauvaise qualité, ces aliments sont associés à une augmentation de la mortalité (+18 %) et à une dégradation de l’apport en micronutriments essentiels.

Un régime végétarien protecteur repose sur la variété et la densité nutritionnelle : fruits et légumes frais, céréales complètes, légumineuses, graines, produits fermentés et aliments enrichis (notamment en B12, D, calcium).

Recommandations : vigilance et planification

En France, l’ANSES et l’étude E3N confirment qu’un régime végétarien bien structuré n’augmente pas la mortalité. La clé réside dans la planification rigoureuse :

  • Supplémentation systématique en vitamine B12
  • Apports suffisants en protéines complètes, calcium, vitamine D
  • Suivi particulier chez les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants en bas âge et les sportifs intensifs.

L’adhésion aux recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS) demeure la meilleure garantie de sécurité, quel que soit le type de régime adopté.

Pour les professionnels de santé

  • Suivi biologique annuel : B12, fer, vitamine D, calciurie.
  • Conseils diététiques individualisés : limiter les ultra-transformés, privilégier les aliments bruts et enrichis.
  • Vigilance renforcée auprès des populations à risque.

Pour la santé publique

  • Campagnes d’information sur la nécessité de la supplémentation (B12 systématique, D et calcium selon les profils).
  • Promotion d’un végétarisme structuré, fondé sur des aliments complets.
  • Réglementation accrue sur les produits végétaux ultra-transformés.

Le végétarisme, s’il est bien mené, peut offrir des bénéfices clairs sur la mortalité cardiovasculaire et le diabète. Mais il n’est pas sans risques : un régime déséquilibré peut entraîner des complications sérieuses, en particulier chez les personnes âgées. Plus que l’évitement de la viande, c’est la qualité globale du régime qui conditionne ses effets sur la santé et la longévité.

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Journaliste spécialisé en santé depuis plus de vingt ans

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