Asthme : la charcuterie pointée du doigt

02/12/2025

Vous souffrez d’asthme ? Réduire la charcuterie pourrait soulager vos symptômes, affirment les chercheurs.

Une consommation régulière de charcuterie est associée à une aggravation des symptômes de l’asthme. Plusieurs études françaises et internationales pointent du doigt les additifs nitrés, présents dans de nombreux produits transformés. Une alerte de santé publique qui suscite des recommandations de plus en plus strictes.

Une association mise en évidence par la recherche

En 2017, l’étude française EGEA, conduite par l’Inserm et publiée dans la revue Thorax, a mis en lumière une association significative entre la consommation de charcuterie et l’aggravation des symptômes d’asthme. Cette étude longitudinale a suivi 971 adultes pendant sept ans. Elle montre que les personnes consommant au moins quatre portions de charcuterie par semaine ont un risque accru de 76 % d’aggravation de leurs symptômes respiratoires par rapport à celles qui en consomment moins d’une portion hebdomadaire.

Les manifestations les plus fréquentes sont la respiration sifflante, l’oppression thoracique, les essoufflements et les difficultés respiratoires. L’intensité du risque apparaît proportionnelle à la fréquence de consommation : 14 % des participants consommant moins d’une portion hebdomadaire ont signalé une aggravation, contre 22 % chez ceux dépassant les quatre portions.

Ces résultats ont été confirmés par une autre étude, menée en 2019 sur 35 380 participants de la cohorte NutriNet-Santé. Elle montre qu’au-delà de cinq portions de charcuterie par semaine, les symptômes respiratoires augmentent de manière significative, surtout en présence de facteurs aggravants comme le surpoids, le tabagisme ou une alimentation déséquilibrée.

Des mécanismes inflammatoires bien identifiés

Les chercheurs identifient les nitrites comme les principaux responsables. Ces additifs, désignés par les codes E249 à E250, sont utilisés pour conserver les produits et leur donner une couleur rose caractéristique. Mais ils déclenchent des réactions chimiques aux effets délétères sur l’appareil respiratoire.

Trois mécanismes principaux ont été identifiés :
– Stress nitrosant : les nitrites favorisent la production d’espèces réactives de l’oxygène, amplifiant le stress oxydatif et l’inflammation.
– Formation de composés N-nitrosés : toxiques, ils se forment au cours de la digestion et aggravent l’irritation des muqueuses.
– Réactions avec le fer héminique : la charcuterie contient du fer, qui, combiné aux nitrites, forme du fer nitrosylé, une substance particulièrement inflammatoire.

Un effet indépendant de l’obésité

L’étude EGEA a également permis de distinguer l’effet direct des nitrites de celui, indirect, de l’obésité. Grâce à l’utilisation de modèles statistiques avancés, les chercheurs estiment que l’obésité ne contribue qu’à 14 % de l’association observée. Le lien entre charcuterie et asthme ne s’explique donc pas uniquement par la prise de poids, mais bien par un effet propre des additifs.

Des recommandations plus strictes

Face à ces résultats, les autorités sanitaires se sont saisies du sujet. En 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a confirmé l’existence d’un risque sanitaire lié à l’exposition aux nitrites et nitrates, notamment en lien avec le cancer colorectal. L’agence recommande de réduire cette exposition par des mesures volontaristes.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) fixe la dose journalière admissible (DJA) pour les nitrites à 0,07 mg/kg de poids corporel. Si 99 % de la population française reste en dessous de ce seuil, l’ANSES considère ces niveaux comme insuffisamment protecteurs à long terme.

La Fondation du Souffle va plus loin encore. Elle conseille aux personnes souffrant de pathologies respiratoires de ne pas dépasser 50 grammes de charcuterie par semaine, soit un tiers des recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS) destinées à la population générale.

Enfants, adolescents et asthmatiques allergiques : des profils à risque

Certains groupes de population sont particulièrement vulnérables. Les enfants, du fait de leur poids plus faible et de leur alimentation souvent plus industrialisée, dépassent plus facilement la DJA en nitrites. Une étude brésilienne portant sur plus de 100 000 adolescents établit un lien entre consommation d’aliments ultra-transformés, dont les charcuteries, et symptômes d’asthme.

Les personnes asthmatiques présentant également des allergies alimentaires sont exposées à un risque bien plus élevé : entre 3,6 et 8,5 fois plus de développer une forme sévère ou potentiellement mortelle. Pour ces patients, l’éviction de la charcuterie est parfois indispensable.

Des alternatives émergentes, mais encore limitées

L’industrie agroalimentaire tente de répondre à ces alertes. Des produits « sans nitrites ajoutés » voient le jour, souvent fabriqués à partir d’extraits végétaux riches en nitrates naturels ou à l’aide de techniques de bioprotection. Si ces solutions réduisent certains risques, elles posent toutefois des défis en matière de conservation et nécessitent un strict encadrement.

Par ailleurs, les experts recommandent aux asthmatiques d’adopter un régime globalement anti-inflammatoire. Cela passe par une augmentation des fibres (fruits, légumes, céréales complètes), un apport suffisant en oméga-3 (poissons gras, noix), et la limitation des graisses saturées. Le régime méditerranéen, en particulier, montre des effets protecteurs documentés chez les enfants.

Une recherche encore en cours

Malgré la solidité des données existantes, plusieurs chercheurs appellent à la prudence. Les études menées sont essentiellement observationnelles : elles ne prouvent pas formellement un lien de causalité. Des essais cliniques contrôlés permettraient de préciser les mécanismes d’action et d’identifier les seuils de consommation réellement nocifs.

D’autres facteurs, comme le statut socio-économique, le mode de vie ou les prédispositions génétiques, pourraient également influencer les résultats. Toutefois, la convergence des observations dans des populations diverses renforce la crédibilité des conclusions.

Une vigilance justifiée pour les personnes asthmatiques

Les preuves s’accumulent et convergent vers une même conclusion : la consommation régulière de charcuterie peut aggraver les symptômes de l’asthme. Les nitrites, bien que légaux et encadrés, jouent un rôle direct dans l’inflammation des voies respiratoires. Pour les personnes souffrant de troubles respiratoires chroniques, la limitation – voire l’évitement – de ces produits n’est plus une simple précaution, mais une mesure de prévention appuyée par la science.

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