Un nouveau rapport de l’Insee dévoile un écart croissant d’espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres. Chez les hommes, cet écart atteint 13 ans.
C’est un fait statistique qui se répète avec insistance depuis plus d’une décennie, mais que l’Insee vient de documenter avec encore plus de précision. Dans une note publiée ce lundi, l’Institut national de la statistique et des études économiques met en lumière un constat lourd de conséquences : les inégalités de revenus se traduisent par des inégalités face à la mort. Et ces écarts, loin de se réduire, se creusent.
Écarts de longévité : un fossé qui s’élargit depuis 2012
Entre 2020 et 2024, les 5 % des hommes les plus riches vivent en moyenne 13 ans de plus que les 5 % les plus pauvres. Chez les femmes, l’écart atteint 9 ans. Le croisement des deux extrêmes est encore plus brutal : une femme dans les 5 % les plus aisés vit, en moyenne, 17 ans de plus qu’un homme parmi les 5 % les plus modestes.
Ce différentiel, déjà connu, ne cesse de progresser depuis 2012. C’est ce que souligne l’Insee dans son analyse. Autrement dit, l’espérance de vie continue d’augmenter, mais seulement pour une partie de la population.
Mortalité précoce : les plus modestes paient le prix fort
Le fossé est particulièrement visible à partir de l’âge adulte. À 50 ans, le risque de décès dans l’année est sept fois plus élevé pour un homme dans les 5 % de revenus les plus faibles que pour un homme dans les 5 % les plus riches. Chez les femmes, le pic de risque est atteint à 55 ans, où il est six fois plus élevé chez les plus modestes.
Ces chiffres traduisent une réalité sociale brutale : vivre pauvre, c’est vivre plus dangereusement. Moins de prévention, des pathologies plus précoces, des traitements parfois différés ou évités… La mécanique est connue, mais son ampleur, confirmée ici, alarme.
Des gains de longévité qui ralentissent avec les revenus
Les données de l’Insee confirment que la relation entre revenu et espérance de vie n’est pas linéaire. Plus on est pauvre, plus chaque euro supplémentaire rapporte en années de vie. Autour de 1 200 euros de revenu mensuel, 100 euros de plus peuvent représenter jusqu’à un an d’espérance de vie gagnée pour les hommes, 0,8 an pour les femmes.
Mais cet effet s’efface en haut de l’échelle. À partir de 3 000 euros mensuels, ce supplément n’apporte plus que quelques mois. Le gain marginal s’essouffle, mais cela n’empêche pas les plus aisés de continuer à progresser. En parallèle, l’espérance de vie des 25 % les plus modestes recule, sauf pour les 5 % situés tout en bas de l’échelle. Une inversion qui souligne l’essoufflement des politiques de réduction des inégalités de santé.
Où vit-on le plus longtemps en France ?
L’Insee observe également des disparités territoriales. Même à sexe, âge et niveau de vie identiques, certaines régions font mieux que d’autres. Les Pays de la Loire et l’Occitanie affichent les meilleures espérances de vie. À l’opposé, les Hauts-de-France concentrent les plus mauvais résultats.
Ces écarts régionaux, déjà observés dans d’autres études, révèlent le poids de l’environnement : accès aux soins, infrastructures hospitalières, modes de vie, réseaux sociaux ou encore politiques locales de prévention.
Revenus et santé : des liens directs et persistants
Pourquoi de tels écarts persistent-ils ? Le lien entre niveau de vie et santé reste structurant. Les personnes les plus modestes consacrent une part plus faible de leurs revenus à la santé. L’Insee rappelle que les difficultés d’accès aux soins jouent un rôle central : renoncement pour raisons financières, délais plus longs, moindre recours aux spécialistes.
En bout de chaîne, ce sont des trajectoires de vie raccourcies. Une photographie glaçante, mais précieuse. Car si la statistique éclaire ce qui se joue, elle renvoie aussi à une question politique : combien de temps tolérera-t-on que les inégalités sociales se traduisent, aussi directement, en années de vie volées ?