Aspartame, sucralose : quels risques pour la santé ?

02/12/2025

Aspartame, sucralose : ces édulcorants que vous consommez sans y penser sont-ils en train de nuire à votre santé ?

Présents dans les sodas « light », les desserts allégés ou les produits étiquetés « sans sucres », les édulcorants sont devenus omniprésents dans notre alimentation quotidienne. Leur promesse : retrouver le goût du sucré sans les calories. Mais sont-ils vraiment sans danger pour la santé ? Poids, diabète, microbiote intestinal, maladies cardiovasculaires, cancer : les connaissances scientifiques ont beaucoup évolué ces dernières années, et les agences sanitaires ont actualisé leurs recommandations. État des lieux.

Ce que disent les autorités sanitaires sur les édulcorants

Les édulcorants intenses comme l’aspartame, le sucralose, la saccharine, l’acésulfame-K ou les stéviol-glycosides, ainsi que certains polyols comme l’érythritol ou le xylitol, sont aujourd’hui utilisés dans une vaste gamme de produits alimentaires. Ils remplacent le sucre dans les boissons dites « light », les produits « sans sucres ajoutés », les yaourts allégés ou encore les chewing-gums. Leur rôle est simple : apporter une sensation sucrée tout en réduisant les apports caloriques.

Mais leur multiplication dans l’alimentation interroge : que sait-on précisément de leurs effets à long terme ? Et que concluent aujourd’hui les autorités sanitaires, en s’appuyant sur les données issues des essais cliniques, des grandes cohortes et des méta-analyses ?

En 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a tranché : les édulcorants ne devraient pas être utilisés pour perdre du poids à long terme. Cette recommandation s’appuie sur une revue des essais cliniques qui, s’ils montrent des bénéfices modestes à court terme, ne mettent en évidence aucun effet durable. Pire, les données issues des cohortes observent des associations entre consommation régulière et augmentation du risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de mortalité — avec un niveau de preuve jugé faible à modéré.

L’aspartame a également fait l’objet d’une attention particulière. En juillet 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/IARC) l’a classé dans le groupe 2B, « peut-être cancérogène pour l’homme », sur la base d’indices limités. En parallèle, le Comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) a maintenu la dose journalière admissible (DJA) à 40 mg/kg/jour, jugeant que les niveaux d’exposition actuels ne posaient pas de risque. Cette position est partagée par l’EFSA et la FDA, qui maintiennent également l’aspartame dans la liste des additifs autorisés, tout en rappelant sa contre-indication en cas de phénylcétonurie (PKU).

D’autres substances ont été réévaluées récemment. En 2024, l’EFSA a relevé la DJA de la saccharine (de 5 à 9 mg/kg/j) en estimant que les anciennes études chez le rat mâle n’étaient pas pertinentes pour l’humain. En 2025, l’agence a également revu à la hausse la DJA de l’acésulfame-K, passée de 9 à 15 mg/kg/j, en l’absence de signal de génotoxicité. Quant à l’érythritol, un polyol qui a fait l’objet d’études d’association préoccupantes, l’EFSA considère aujourd’hui qu’il n’existe pas de lien causal démontré entre sa consommation et le risque cardiovasculaire.

Effets sur le métabolisme et la perte de poids : résultats contrastés

Les études cliniques montrent que remplacer le sucre par des édulcorants peut, à court terme, réduire modérément les apports caloriques et certains marqueurs d’adiposité. Cependant, les grandes études de cohorte, qui suivent les individus sur plusieurs années, rapportent des associations entre consommation d’édulcorants et prise de poids, diabète de type 2, ou troubles métaboliques. Ces résultats restent soumis à de nombreux biais, notamment celui de causalité inverse : les personnes déjà en surpoids ou à risque de diabète sont plus susceptibles de consommer des produits « allégés ».

Dans ses recommandations 2025, l’American Diabetes Association suggère d’utiliser les édulcorants avec modération, comme outil temporaire, notamment pour les personnes qui souhaitent réduire leur consommation de glucides. Mais l’eau est désignée comme la boisson de référence.

Microbiote intestinal : des réactions variables selon les individus

Les effets des édulcorants sur le microbiote intestinal font l’objet de recherches actives. Une étude contrôlée publiée dans Cell (2022) a mis en évidence que la saccharine et le sucralose pouvaient altérer la réponse glycémique chez certains individus, via des mécanismes impliquant la flore intestinale. Les réactions varient fortement d’une personne à l’autre, ce qui rend difficile l’établissement de recommandations universelles.

Ces résultats suggèrent que les effets métaboliques des édulcorants pourraient être en partie dépendants du profil bactérien individuel, et donc très hétérogènes dans la population. L’aspartame et la stévia semblent, pour leur part, avoir des effets plus modestes ou variables selon les essais.

Recommandations pratiques et populations à risque

Plusieurs études d’observation, dont la cohorte française NutriNet-Santé publiée en 2022 dans le BMJ, ont identifié un lien entre consommation régulière de boissons édulcorées et excès de risque cardiovasculaire ou de mortalité. Ces associations sont généralement modestes, et exposées à des biais résiduels.

Un signal plus spécifique concerne l’érythritol, un polyol utilisé dans certains produits « sans sucres ». Une étude de Nature Medicine (2023) a observé qu’un taux sanguin élevé d’érythritol était associé à un risque accru d’événements cardiovasculaires majeurs. Des expériences physiologiques ont montré qu’une dose équivalente à une portion pouvait augmenter la réactivité plaquettaire, un facteur de risque de thrombose. Toutefois, l’EFSA, après analyse, considère qu’un trouble métabolique préexistant pourrait expliquer ces observations, et qu’il n’y a pas de preuve de causalité.

Cancer : un débat mesuré

La question du risque cancérogène des édulcorants revient régulièrement. Concernant l’aspartame, le classement en groupe 2B par le CIRC signifie un potentiel de danger, mais pas un risque avéré aux expositions courantes, comme l’ont rappelé conjointement le JECFA, la FDA et l’EFSA.

Les synthèses récentes, notamment une umbrella review publiée en 2025, ne mettent pas en évidence d’augmentation globale du risque de cancer. Certaines études, comme celle de NutriNet-Santé (PLOS Medicine, 2022), ont observé une association entre consommation d’édulcorants et risques de cancer du sein ou global, mais avec des limites méthodologiques importantes, notamment la possibilité de causalité inverse ou de confusion.

Enfants, grossesse, santé bucco-dentaire : des précautions spécifiques

Chez la femme enceinte, les revues systématiques publiées entre 2024 et 2025 suggèrent un lien entre la consommation d’édulcorants, notamment via les boissons light, et un indice de masse corporelle plus élevé chez l’enfant, voire un sur-risque de surpoids. Ces données sont jugées fragiles, mais justifient un principe de précaution. L’eau reste recommandée pendant la grossesse, en l’absence de bénéfice démontré des produits édulcorés.

Côté dentaire, l’usage du xylitol, notamment dans les chewing-gums, a montré un effet modeste dans la prévention des caries, surtout chez les sujets à risque. Mais l’enjeu principal reste la réduction globale des sucres libres, comme le rappelle l’OMS.

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Journaliste spécialisé en santé depuis plus de vingt ans

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