Du jeûne intermittent aux produits ultra-transformés, une série d’études décrit comment le métabolisme, les horaires de repas et certains nutriments s’inscrivent dans la mémoire, l’humeur, la plasticité synaptique et les marqueurs de stress.
Le cerveau représente 2% du poids corporel, mais consomme 20% du glucose disponible dans l’organisme. Il ne peut constituer de réserve de glucose de plus de 10 minutes et dépend d’un afflux constant ; l’EFSA a reconnu une relation de cause à effet entre consommation de glucose et contribution à une fonction cognitive normale.
Jeûne intermittent : cétones, autophagie et BDNF
Le jeûne intermittent stimule la production de BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau) et active l’autophagie cérébrale via la voie SIRT1/mTOR.
Sur le plan énergétique, le cerveau bascule vers les cétones comme source d’énergie après 12 à 16 heures de jeûne léger. Les corps cétoniques peuvent contribuer jusqu’à 60% des besoins énergétiques du cerveau ; ils fournissent environ 25% d’énergie supplémentaire par rapport au glucose et sont rapidement assimilés sans nécessiter de glycolyse. En état de cétose, ils fournissent une énergie plus stable que le glucose, favorisant la concentration et la clarté mentale ; l’état cétogène stimule aussi la production de BDNF, favorisant la croissance et la survie des neurones.
Les effets sur la performance cognitive apparaissent, eux, peu saillants dans une méta-analyse publiée dans Psychological Bulletin portant sur plus de 3400 participants : la différence entre adultes ayant jeûné et ceux ayant mangé y est insignifiante (0,02 unité standard). Le jeûne intermittent est aussi décrit comme modifiant le métabolisme des acides biliaires et du tryptophane, influençant la production de neurotransmetteurs comme la sérotonine.
Malbouffe, rythmes circadiens et mémoire : l’horloge de l’hippocampe
Une étude publiée dans Neuron (septembre 2025) par des chercheurs de l’UNC Health montre qu’un régime riche en graisses reprogramme les interneurones CCK de l’hippocampe en seulement quatre jours. Cette reprogrammation altère la capacité du cerveau à absorber le glucose et perturbe la mémoire. Dans la continuité de ces résultats, le jeûne intermittent après un régime riche en graisses normalise les interneurones CCK et améliore la mémoire. Une étude de l’INSB CNRS publiée dans eBioMedicine (juillet 2025) précise que les effets de la malbouffe sur la mémoire dépendent des rythmes alimentaires, et qu’un jeûne intermittent appliqué pendant 4 semaines restaure la fonction mnésique.
Dans un autre registre métabolique, un régime pauvre en graisses combiné à un apport calorique limité empêche l’activation des cellules immunitaires microgliales et bloque l’activité inflammatoire liée au vieillissement cérébral. L’effet principal de la restriction calorique ou protéique est décrit comme l’inactivation de mTOR, évitant une surchauffe métabolique menant à un dérèglement cellulaire.
Manger tard, petit déjeuner, sommeil : ce que mesurent les études
Une étude publiée en 2022 dans Proceedings of the National Academy of Sciences associe le fait de manger tard le soir à une hausse des symptômes dépressifs de 26,2% et de l’anxiété de 16,1%. Les personnes mangeant uniquement pendant la journée ne présentent pas de variations significatives d’humeur. En France, l’Anses recommande dans son rapport 2024 de privilégier un dîner tôt en soirée, un intervalle d’au moins 2 heures entre le dîner et le coucher chez l’adulte, un jeûne nocturne prolongé suivi d’un petit déjeuner, et de réduire les apports caloriques le soir.
Sur le petit déjeuner, des études en neurosciences indiquent que la mémoire à court terme et les capacités de résolution de problèmes sont significativement améliorées chez les personnes ayant pris un petit déjeuner complet. Dans le Wisconsin, une étude (2009-2013) portant sur 481 799 élèves montre que la proposition d’un petit déjeuner à l’école augmente significativement l’assiduité scolaire et les performances, particulièrement chez les garçons issus de foyers défavorisés.
Pour les adultes, une méta-analyse récente conclut que sauter le petit déjeuner n’affecte pas significativement les performances cognitives, le cerveau pouvant basculer vers les cétones ; cet effet est présenté comme différent chez les enfants, dont les capacités cognitives sont plus fortement sollicitées et bénéficient davantage d’un petit déjeuner.
La dimension sommeil renvoie aussi à des mécanismes neurochimiques documentés : la sérotonine est impliquée dans le contrôle de l’appétit et la production de mélatonine, hormone indispensable à l’endormissement. Le tryptophane est l’acide aminé essentiel précurseur de la sérotonine ; le sommeil est déclenché dans le cerveau par l’action combinée de la sérotonine et de la mélatonine, la sérotonine étant fabriquée à partir du tryptophane et favorisant ensuite la production de mélatonine. Une consommation suffisante de tryptophane favorise un bon sommeil.
Microbiote, ultra-transformés, oméga-3, hydratation
L’axe intestin-cerveau est décrit comme particulièrement sensible au microbiote intestinal. Plusieurs médiateurs de ce dialogue ont été identifiés : acides gras à chaîne courte (AGCC), acides biliaires secondaires, et neuromédiateurs produits par certaines bactéries intestinales (GABA, dérivés du glutamate et du tryptophane). Une recherche de l’Institut Pasteur (décembre 2020) indique qu’un stress chronique modifie le microbiote intestinal, provoquant un effondrement de métabolites lipidiques dans le sang et le cerveau, favorisant l’émergence d’un état dépressif ; un déséquilibre de la communauté bactérienne fait disparaître certains lipides essentiels au bon fonctionnement du cerveau.
Du côté des modèles alimentaires, un régime riche en fruits, légumes, oméga-3, fibres et aliments peu transformés (régime méditerranéen ou DASH) est associé à une réduction du risque de dépression, de déclin cognitif et de maladie d’Alzheimer. Le régime méditerranéen diminue de 30% le risque de développer une dépression ; il est décrit comme riche en fruits, légumes, noix, céréales complètes, poisson et graisses non saturées (huile d’olive). À l’inverse, une alimentation occidentale riche en graisses saturées, sucres ajoutés et produits ultra-transformés favorise l’inflammation chronique et aggrave les symptômes psychiatriques.
Une alimentation riche en produits ultra-transformés est associée à une hausse de 21% du risque de dépression. En France, plus de 35% des apports alimentaires quotidiens proviennent de produits ultra-transformés, souvent pauvres en nutriments essentiels comme les oméga-3, le zinc, le magnésium, les vitamines B9 et D. Une série d’études de l’Inserm associe l’exposition régulière à ces aliments à un risque accru de cancers, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, symptômes dépressifs et obésité ; une étude britannique de l’Inserm indique par ailleurs que les plus gros consommateurs présentent 30% de risques supplémentaires de développer des épisodes de symptômes dépressifs récurrents.
Parmi les nutriments, le DHA est le principal oméga-3 du cerveau : une étude PubMed 2023 montre qu’un déficit en DHA réduit jusqu’à 30% la plasticité neuronale, affectant mémoire et apprentissage. Une méta-analyse de 2022 rapporte qu’une consommation quotidienne d’au moins 250 mg de DHA favorise la mémoire et la concentration, surtout chez les adolescents et les seniors ; les oméga-3 de type DHA sont des constituants des cellules nerveuses, jouent un rôle dans la structure des membranes neuronales, contribuent à la transmission synaptique et interviennent dans le développement et le fonctionnement du cerveau.
Enfin, la physiologie de l’eau apparaît comme un paramètre chiffré : le cerveau contient 85% d’eau et une déshydratation même modérée diminue la vigilance, augmente la sensation de fatigue et le niveau d’anxiété ; la concentration et la mémoire à court terme peuvent être altérées. Une étude de Matthew Wittbrodt (Institut de technologie Georgia) décrit un gonflement des ventricules cérébraux et un rétrécissement de structures avoisinantes comme le thalamus et le cervelet ; les performances visuomotrices chutent de 16% chez les déshydratés contre 8% chez les personnes hydratées. Une perte d’eau de seulement 1 à 2% du poids corporel peut entraîner une diminution notable de la concentration, une fatigue accrue, des troubles de l’attention et des problèmes de mémoire.
Dans cet ensemble, le BDNF est présenté comme le facteur de croissance le plus abondant dans le cerveau, régulant survie et mort neuronale, prolifération, différenciation, plasticité synaptique et processus de réparation ; de faibles niveaux de BDNF sont corrélés à des déficits cognitifs dus à des perturbations de la neurotransmission et de la neuroplasticité. Le régime MIND est associé à un meilleur fonctionnement cérébral : un suivi rigoureux est lié à un vieillissement cérébral ralenti, avec un cerveau paraissant 7,5 ans plus jeune, et des femmes d’âge moyen obèses l’ayant suivi strictement trois mois ont vu s’améliorer mémoire de travail, mémoire verbale et attention.