Les antioxydants peuvent tuer !

Dans toute pharmacie ou parapharmacie, sont exposés des compléments alimentaires, dont les vertus anti-oxydantes peuvent prévenir ou guérir à peu près tous les maux. Dans l’esprit du grand public, ces produits ne peuvent pas faire de tort, d’autant plus qu’ils sont « naturels » ou « bios ». C’est le retour aux valeurs fondamentales, le retour de balancier en réponse aux dérives de l’industrie, à la malbouffe et au fast-food !

Le « stress oxydant » - déséquilibre de la balance entre espèces réactives de l’oxygène et mécanismes de défense anti-oxydants qui protègent nos cellules – est fréquemment évoqué pour expliquer l’apparition, le développement ou l’aggravation de problèmes de santé aussi courants que le diabète, l’athérosclérose, les cancers, les maladies infectieuses ou immunitaires. L’amalgame est évidemment facile et la tentation est grande : puisque le stress oxydant provoque des maladies, aidons l’organisme à se défendre en consommant des vitamines anti-oxydantes, des éléments-trace co-facteurs de nos enzymes anti-oxydants et le tour est joué ! Malheureusement, les choses ne sont pas si simples ! Les espèces réactives de l’oxygène jouent un rôle important dans nos cellules, notamment au niveau des mitochondries. Neutraliser ces espèces radicalaires peut interférer avec le fonctionnement normal de nos tissus (1).

De fait, plusieurs méta-analyses convergentes ont démontré une augmentation modeste mais significative de la mortalité chez les sujets qui prenaient régulièrement des compléments anti-oxydants, par apport au sujets contrôle (2). De plus, les effets protecteurs espérés de prévention des cancers et des maladies cardio-vasculaires par la consommation de suppléments anti-oxydants n’ont pas été confirmés ! Il est probable qu’un stress oxydant accru est dommageable dans certaines circonstances, et souhaitable dans d’autres, puisque physiologique. Tout récemment, une équipe texane a publié dans Nature une augmentation de la dissémination métastatique de cellules de mélanomes après traitement anti-oxydant (3). Si ces données expérimentales sont confirmées en situation clinique, l’avertissement deviendra assourdissant !

Entretemps, recommandons une alimentation équilibrée, dont la teneur en anti-oxydants correspond aux apports journaliers recommandés ! Et sauf circonstance particulière, abstenons-nous de suppléments injustifiés et potentiellement dangereux !

Par le Pr Jean-Charles Preiser

Pour aller plus loin :
1. Preiser JPEN J Parenter Enteral Nutr. 2012;36:147-54
2. Bjelakovic JAMA. 2007;297:842-57 et Cochrane Database Syst Rev. 2012;3:CD007176
3. Piskounova et al Nature 2015;527:186-91


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