Les bactéries de notre intestin influencent-elles l’insulino-résistance et donc la survenue du diabète de type 2 ? Quelles bactéries seraient impliquées ? Comment agiraient-elles ? Dans le cadre du consortium MetaHIT1, une équipe internationale impliquant l’Inra démontre pour la première fois l’impa
Le diabète de type 2 est une maladie qui, en France, affecte 4,5 % de la population et dont le coût annuel avoisine 12 milliards d’euros. Caractérisée par une hyperglycémie chronique (c’est-à-dire un taux de glucose trop élevé dans le sang), cette pathologie est très souvent associée à une insulino-résistance. En effet, les patients atteints produisent de l’insuline mais les cellules deviennent insensibles à cette hormone et ne parviennent plus à stocker le glucose. Il en résulte un certain nombre de dysfonctionnements conduisant à la survenue de maladies cardiovasculaires et métaboliques, considérées aujourd’hui comme de véritables épidémies mondiales.
De nombreuses études suggèrent l’existence d’un lien entre le microbiote et la santé métabolique. Les scientifiques ont notamment mis en évidence, chez les personnes diabétiques (ou pré-diabétiques), des taux élevés d’acides aminés branchés - ou BCAA pour Branched chain amino acids - (valine, leucine et isoleucine). Ces BCAA sont des acides aminés essentiels qui proviennent de l’alimentation ou des bactéries de notre microbiote. Dans le cadre du projet MetaHIT1, une équipe internationale impliquant l’Inra a tenté de savoir si notre microbiote pouvait contribuer de manière significative à cette augmentation de BCAA dans le sang ? Et si oui : comment ? Pour cela, ils ont examiné les plasmas sanguins et le microbiote de 277 personnes non diabétiques et 75 diabétiques. Ils ont effectivement observé que plus les taux de BCAA sont élevés, plus l’insulino-résistance augmente. Ils ont examiné les métabolites (composés organiques stables issus du métabolisme) et les lipides du plasma sanguin des non diabétiques. Parmi le millier de métabolites scrutés, ils ont identifié 19 groupes de métabolites bactériens associés à l’insulino-résistance (soit de manière positive, favorisant la résistance à l’insuline ou à l’inverse, négative, c’est-à-dire freinant l’insulino-résistance). En parallèle, ils ont étudié la composition du microbiote et mis en évidence 23 groupes fonctionnels impliqués dans la synthèse des BCAA ou dans leur utilisation. Leurs résultats montrent que la quantité de BCAA dans le plasma est bel et bien liée au microbiote et non pas à l’alimentation. De plus, 4 espèces microbiennes impliquées dans ces interactions microbiote-insulino-résistance ont été mise en évidence : Prevotella copri et Bacteroides vulgatus sont associées à la biosynthèse des BCAA et donc à la résistance à l’insuline. Butyrivibrio crossotus et Eubacterium siraeum sont, quant à elles, impliquées dans le transport et l’utilisation de ces acides aminés et contribuent à diminuer leur taux dans le sang.
Pour évaluer directement le rôle des bactéries intestinales, les chercheurs ont étudié l’effet de Prevotella copri chez la souris. Ils ont démontré que cette bactérie induisait effectivement la résistance à l’insuline et augmentait la quantité de BCAA dans le sang. De tels résultats ouvrent des pistes prometteuses pour la santé humaine : si Prevotella copri est un facteur de risque d’insulino-résistance chez l’homme, la prochaine étape consiste à moduler et diminuer cette bactérie pour atteindre un équilibre optimal entre les espèces bactériennes de notre microbiote et optimiser notre alimentation.
Pour aller plus loin :
1. Lancé en 2008, le programme européen MetaHIT (Metagenomics of the Human Intestinal Tract) coordonné par l’Inra a rassemblé jusqu’en 2012, 13 partenaires académiques et privés de 8 pays au total. Les chercheurs de MetaHIT, grâce à une approche innovante appelée métagénomique quantitative, ont ouvert la voie à de nouvelles perspectives pour la santé et le bien-être humain. Ils ont montré notamment que, de la même manière que chacun d’entre nous a un groupe sanguin, nous appartenons à l’un des 3 groupes de composition bactérienne intestinale, dit entérotypes. Sur cette base, ils commencent à mettre en relation les bactéries présentes dans le tube digestif et certaines pathologies, comme la maladie de Crohn et l’obésité.
Human gut microbes impact host serum metabolome and insulin sensitivity. Helle Krogh Pedersen, Valborg Gudmundsdottir, Henrik Bjørn Nielsen, Tuulia Hyotylainen, Trine Nielsen, Benjamin A. H. Jensen, Kristoffer Forslund, Falk Hildebrand, Edi Prifti, Gwen Falony, Emmanuelle Le Chatelier, Florence Levenez, Joel Doré, Ismo Mattila, Damian R. Plichta, Päivi Pöhö, Lars I. Hellgren, Manimozhiyan Arumugam, Shinichi Sunagawa, Sara Vieira-Silva, Torben Jørgensen, Jacob Bak Holm, Kajetan Trošt, MetaHIT Consortium, Karsten Kristiansen, Susanne Brix, Jeroen Raes, Jun Wang, Torben Hansen, Peer Bork, Søren Brunak, Matej Oresic, S. Dusko Ehrlich & Oluf Pedersen. Nature, 13 juillet 2016. doi 10.1038/nature18646
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