Additif alimentaire E171 : les premiers résultats de l’exposition orale aux nanoparticules de dioxyde de titane

Des chercheurs de l’Inra et leurs partenaires (1) ont étudié les effets d’une exposition orale au dioxyde de titane, un additif alimentaire (E171) utilisé de façon courante, en confiserie notamment. Ils montrent pour la première fois chez l’animal que le E171 pénètre la paroi de l’intestin et se retrouve dans l’organisme. Des troubles du système immunitaire liés à l’absorption de la fraction nanoparticulaire de l’additif ont été observés. Par ailleurs, les chercheurs montrent qu’une exposition orale chronique au E171 induit de façon spontanée des lésions prénéoplasiques dans le côlon, un stade non malin de la cancérogenèse, chez 40% des animaux exposés. De plus, le E171 accélère le développement de lésions induites expérimentalement avant exposition. Ces résultats témoignent d’un effet initiateur et promoteur des stades précoces de la cancérogenèse colorectale, sans toutefois permettre d’extrapoler ces conclusions à l’Homme et pour des stades plus avancés de la pathologie. Ces résultats sont publiés dans Scientific Reports le 20 janvier 2017.

Le dioxyde de titane franchit la barrière intestinale et passe dans le sang

Les chercheurs ont exposé des rats au E171 (exposition orale) à une dose de 10 mg par kilogramme de poids corporel et par jour, proche de l’exposition alimentaire humaine (données European Food Safety Agency, septembre 20162). Ils montrent pour la première fois in vivo que le dioxyde de titane est absorbé par l’intestin et passe dans la circulation sanguine. Les chercheurs ont en effet retrouvé des particules de dioxyde de titane dans le foie des animaux.

Le dioxyde de titane altère la réponse immunitaire intestinale et systémique

Des nanoparticules de dioxyde de titane sont présentes dans la paroi de l’intestin grêle et du côlon, et se logent dans le noyau des cellules immunitaires des plaques de Peyer, un site inducteur des réponses immunitaires dans l’intestin. Les chercheurs montrent un déséquilibre des réponses immunitaires, allant d’un défaut de production de cytokines dans les plaques de Peyer au développement d’un terrain micro-inflammatoire dans la muqueuse du côlon. Dans la rate, représentative de l’immunité systémique, l’exposition au E171 augmente la capacité des cellules immunitaires à produire des cytokines pro-inflammatoires lorsqu’elles sont activées in vitro.

L’exposition orale chronique au dioxyde de titane a des effets initiateur et promoteur des stades précoces de la cancérogenèse colorectale

Les chercheurs ont soumis les rats à une exposition orale chronique au dioxyde de titane, dans l’eau de boisson et pendant cent jours. Dans un groupe de rats préalablement traités avec un cancérogène expérimental, l’exposition a conduit à l’augmentation de la taille des lésions prénéoplasiques. Dans un groupe de rats sains exposés à l’additif E171, 4 animaux sur 11 ont spontanément développé des lésions prénéoplasiques sur l’épithélium intestinal. Les animaux non exposés n’ont présenté aucune anomalie à la fin des cents jours de l’étude. Ces résultats indiquent un effet initiateur et aussi promoteur du E171 sur les stades précoces de la cancérogenèse colorectale chez l’animal.
Ces études démontrent pour la première fois que l’additif E171 est une source de nanoparticules de dioxyde de titane pour l’intestin et le reste de l’organisme, avec des effets sur les fonctions immunitaires et sur le développement de lésions prénéoplasiques dans le côlon. Ces premiers résultats justifient une étude de cancérogénèse selon les lignes directrices de l’OCDE, afin de compléter ces observations à un stade plus avancé de la pathologie. Ils fournissent de nouvelles données pour l’évaluation du risque de l’additif E171 pour l’Homme.

Ces travaux ont été menés dans le cadre du projet NANOGUT, financé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans le cadre du Programme national de recherche en environnement-santé-travail (PNR EST) et coordonné par l’Inra.
Le contrat de thèse d’Université de Sarah Bettini a été financé par le Labex SERENADE.

Pour aller plus loin :
(1) Les partenaires de l’Inra pour ces travaux : Anses, CEA-Université Grenoble-Alpes, Synchrotron SOLEIL, Luxembourg Institute of Science and Technology.

(2) Re-evaluation of titanium dioxide (E 171) as a food additive. EFSA Journal 2016;14(9):4545.

Sarah Bettini, Elisa Boutet-Robinet, Christel Cartier, Christine Coméra, Eric Gaultier, Jacques Dupuy, Nathalie Naud, Sylviane Taché, Patrick Grysan, Solenn Reguer,Nathalie Thieriet, Matthieu Réfrégiers, Dominique Thiaudière, Jean-Pierre Cravedi, Marie Carrière, Jean-Nicolas Audinot, Fabrice H. Pierre, Laurence Guzylack-Piriou & Eric Houdeau Food-grade TiO2 impairs intestinal and systemic immune homeostasis, initiates preneoplastic lesions and promotes aberrant crypt development in the rat colon, Scientific Reports, 7:40373, DOI: 10.1038/srep40373


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