Durabilité de l’alimentation : comment la mesurer ?

Les dimensions mesurées par la communauté scientifique pour déterminer le niveau de durabilité des modèles alimentaires, même si elles sont nombreuses et variées, ne reflètent pas l’intégralité de celles du cadre conceptuel de l’alimentation durable. La composante environnementale est largement surreprésentée au profit des aspects sociaux ou sanitaires. A noter également la très faible représentation des études issues des pays à revenus faibles et modérés.

Le concept d’alimentation durable, apparu au milieu des années 80, a été défini en 2010 par des experts de la FAO. Il s’agit d’une alimentation qui protège la biodiversité et les écosystèmes, qui est acceptable culturellement, accessible, économiquement loyale et réaliste, sûre, nutritionnellement adéquate et bonne pour la santé, et qui optimise l’usage des ressources naturelles et humaines. La complexité de cette définition en fait un concept difficile à mesurer.

Une équipe de chercheurs américains a mené une revue systématique de la littérature afin de déterminer, parmi les dimensions du cadre conceptuel existant de l’alimentation durable (cf. figure), quelles sont celles utilisées par la communauté scientifique pour quantifier la durabilité des modèles alimentaires ainsi que les méthodes de mesure utilisées. Cent treize études ont été incluses dont 92 % centrées sur des données de pays à revenus élevés.

Dans l’ensemble de ces études, trente différentes dimensions de la durabilité ont été mesurées

• L’émission de gaz à effet de serre est la composante la plus souvent mesurée (dans 63 % des études), suivie de l’utilisation du sol (28 %) et de la consommation d’aliments d’origine animale (27 %).

• La mesure de la qualité nutritionnelle de l’alimentation arrive en quatrième position (24 % des études). Au sein de cette dernière catégorie, une grande variété de paramètres est prise en compte en fonction des études, par exemple la consommation d’une quantité suffisante d’énergie ou de micronutriments, ou encore la consommation modérée d’aliments transformés, d’acides gras saturés ou de sucres ajoutés.

• L’utilisation d’énergie (23 % des études) ou d’eau (18 %), liée à la production et à la transformation des aliments, le type de pratique de gestion agricole (19 %) ou encore l’approvisionnement alimentaire local et de saison (16 %) sont les autres composantes les plus fréquemment considérées.

Concernant les méthodologies utilisées pour mesurer ces différentes dimensions, les auteurs ont identifié quatre principaux types d’analyse :

• Parmi les quatre-vingt-trois études ayant mesuré l’impact environnemental de modèles alimentaires, 59 % ont utilisé la méthode de l’analyse du cycle de vie. Celle-ci consiste à évaluer l’impact sur l’environnement, des différentes étapes du cycle de vie d’un produit : production agricole, transformation, emballage, transport, vente, stockage, préparation, consommation, traitement des résidus.

• Vingt-deux études ont évalué les déterminants des choix des consommateurs liés au suivi de modèles alimentaires durables. Les principales méthodologies utilisées sont des questionnaires examinant les comportements, attitudes et perceptions de ces consommateurs vis-à-vis du caractère durable de produits ou modèles alimentaires. Des méthodes qualitatives (entretiens, groupes focaux et techniques d’observation) viennent souvent compléter les données obtenues par questionnaire.

• Par ailleurs, trois études ont mesuré le coût pour le consommateur de différents modèles alimentaires par la collecte de données primaires (enquêtes concernant les prix des aliments dans les commerces) ou l’utilisation de données secondaires (prix du marché).

• Enfin, quatre études ont mesuré l’impact de l’introduction d’options alimentaires durables à l’école, sur la participation des élèves au sein du restaurant scolaire. Les principales méthodologies utilisées sont les enquêtes, les entretiens ou les mesures directes du comportement des élèves.

En conclusion

Les auteurs de cette revue de littérature constatent que de nombreuses dimensions du cadre conceptuel de l’alimentation durable sont largement sous représentées. Les aspects sociaux (héritage culturel, équité sociale, droits, gouvernance) sont particulièrement peu considérés, tout comme, dans une moindre mesure, les préférences des consommateurs ou encore la sécurité alimentaire.

La prise en compte presque inexistante des pays à revenus bas et modérés est également un élément marquant à corriger dans les études futures. En effet, les composantes mesurées et les méthodologies utilisées sont le plus souvent porteuses de sens dans le contexte des pays à hauts revenus, mais peuvent perdre de leur pertinence dans celui des pays à plus faibles revenus.

Afin de rendre compte de la grande complexité du concept d’alimentation durable et de contribuer à en avoir une vision holistique, les auteurs proposent : (1) d’avoir une approche basée sur la création de modèles d’analyse complexes ; (2) d’utiliser un cadre analytique intégré, et enfin (3) d’utiliser des méthodologies adaptatives et participatives.

Pour aller plus loin :
JONES, AD. HOEY, L. BLESH, J. « et col. » A systematic review of the measurement of sustainable diets. Advances in Nutrition, 2016, 7, p. 641–664 (doi: 10.3945/an.115.011015).


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