À raison de 5,4 kilos de café consommés par habitant dans notre pays (contre 12 kilos en Finlande), beaucoup de Français sont «accros» au petit noir. Faut-il pour autant considérer le café comme une drogue ? « Certainement pas, car, même s’il s’agit d’une substance psychoactive, le circuit du plaisir mis en jeu dans le cerveau n’est pas le même que celui qui conduit à la dépendance comme l’héroïne, la cocaïne ou même la nicotine», précise le Dr Astrid Nehlig, directrice de recherche Inserm (hôpital Necker, Paris), présidente de l’Asic (Association pour la science et l’information sur le café, www.asic-cafe.org) et auteure de Café et santé.
Pour autant, nous n’affichons pas tous le même seuil de tolérance à la caféine. Cela s’explique: «La caféine est dégradée par une enzyme spécifique, or il existe des variants génétiques de cette enzyme. D’une personne à l’autre, on ne dégrade pas la caféine de la même façon. En outre, la caféine est dégradée en sous-produits également actifs et qui sont, eux aussi, dégradés par des enzymes pour lesquelles il existe une variabilité individuelle ! Enfin, les cibles de la caféine (récepteurs) font aussi l’objet d’une grande variabilité génétique. C’est pourquoi les effets peuvent autant varier d’un consommateur à l’autre, et c’est aussi pourquoi les effets bénéfiques ou délétères du café sur la santé dépendent des doses et des individus», précise le Dr Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm, unité mixte 1106, Institut de neurosciences des systèmes (Marseille).
Un adulte en bonne santé ne devrait pas consommer plus de 400 mg de caféine par jour.
Outre les différences de métabolisme entre consommateurs, les cafés ne sont pas équivalents: le décaféiné est un café vert dont on a extrait la caféine avant la torréfaction pour préserver ses arômes. Il contient bien des traces de caféine - jusqu’à 0,1 % s’il est en grains et 0,3 % s’il est soluble - mais pas suffisamment pour retrouver des effets bénéfiques sur la santé comme dans le cas de l’arabica - qui donne un café fin à teneur en caféine moyennement élevée, d’environ 1 % - ou du robusta, au taux de caféine deux fois plus élevé (2 à 2,5%). «Enfin, le mode de préparation du café joue : lorsque la mouture du café reste longtemps en contact avec l’eau, comme dans les cafés turcs ou ceux préparés dans une cafetière à piston, des graisses accusées de faire le lit du cholestérol sont également retrouvées. Et plus un café est torréfié (ce qui lui donne une couleur brune et une certaine amertume), moins il apporte d’antioxydants. Quant à la caféine du thé, présente en quantité moindre, elle se distingue par une libération plus lente », précise le Dr Nehlig.
« En cas de prise ponctuelle - par exemple un café le matin au réveil -, la vigilance et la concentration sont accrues, la capacité de travail augmentée, et l’humeur, améliorée. Ce n’est donc pas étonnant si les machines à café ont peu à peu gagné les entreprises ! Cependant, les personnes les plus sensibles à la caféine peuvent aussi avoir des troubles de l’endormissement et/ou ressentir une anxiété, mais cette dernière a tendance à diminuer en cas de prises répétées dans le temps (phénomène d’habituation). De plus, chez certains cardiaques, la caféine peut favoriser les palpitations. Étant donné qu’il est impossible de prédire qui tolère bien la caféine ou pas et jusqu’à quelle dose, c’est à chacun d’être à l’écoute de son corps », conseille le Dr Nehlig.
Au long cours, les effets de la caféine sur le cerveau intéressent tout particulièrement les médecins : « elle ralentirait le déclin cognitif lié à l’âge, en particulier chez les femmes de plus de 80 ans, protégerait contre la maladie de Parkinson sauf chez les femmes recevant un traitement hormonal substitutif, diminuerait de 15 à 20% le risque de maladie d’Alzheimer et peut-être même de sclérose en plaques et de maladie de Huntington (une affection neurodégénérative rare à l’origine de graves troubles moteurs et cognitifs).» Le café, qui comporte jusqu’à mille molécules différentes, pourrait bien diminuer les bourdonnements d’oreille chez les consommatrices et abaisser le risque de survenue de diabète non-insulinodépen dant dans les deux sexes, chez les personnes de toutes origines et quel que soit leur indice de masse corporelle (personnes de poids normal ou obèses), peut-être par le biais de ses antioxydants tels que l’acide chlorogénique et/ou d’autres composants.
« Les études concernant le diabète n’ont pas permis de dire s’il s’agissait uniquement d’un bénéfice lié à la consommation de café ou au fait que les personnes qui en boivent régulièrement sont aussi des personnes plus actives, précise le Dr Nehlig. Mais, selon les analyses récentes de l’Iarc (International Agency for Research Cancer), le café aurait aussi un effet protecteur dans certains cancers comme le foie, l’endomètre, le sein, la prostate et le pancréas. Et des données supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer ou l’infirmer sur le côlon rectum, l’estomac et le mélanome. » De quoi rassurer les amateurs du petit noir !
« La caféine ralentirait le déclin cognitif lié à l’âge, en particulier chez les femmes de plus de 80 ans, protégerait contre la maladie de Parkinson (…) et diminuerait de 15 à 20 % » le risque de maladie d’Alzheimer
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Dr. ASTRID NEHLIG, DIRECTRICE DE RECHERCHE INSERM
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