Pour prévenir l’ostéoporose, « il faut toujours privilégier l’alimentation et les produits laitiers sont la meilleure source de calcium. Et même en cas d’ostéoporose avérée, les traitements ne sont efficaces que si les apports alimentaires en calcium sont adéquats ». Co-président du congrès mondial sur l’ostéoporose* qui vient de se tenir à Milan, le Pr Jean-Yves Reginster ne pouvait être plus clair. En réponse à une polémique récente sur la relation entre les produits laitiers et le risque de fracture, un symposium** organisé par le CERIN a réuni quelque 400 scientifiques, médecins et chercheurs pour préciser l’état actuel de la science. Le rôle bénéfique de l’alimentation se confirme.
Les experts internationaux réunis à Milan lors du récent congrès mondial sur l’ostéoporose et les maladies osseuses ont été confrontés à une actualité brûlante. Un article récent, paru dans le British Medical Journal (BMJ), n’allait-il pas à l’encontre du pouvoir protecteur du calcium et des produits laitiers ? Une étude suédoise, menée chez des femmes de 39 à 74 ans, établissait une relation entre la consommation de produits laitiers et la survenue de fractures...
« L’étude du BMJ a été un véritable ouragan », reconnaît le Pr Reginster, chef du service des maladies osseuses au CHU et professeur d’épidémiologie à l’Université de Liège. Mais, ajoute-t-il aussitôt, elle « comporte des biais importants de l’avis même de ses auteurs et ne résiste pas à une analyse approfondie ».
Les produits laitiers favorisent la santé osseuse
D’abord, parce que « le risque de fracture dépend autant du niveau de pic de masse osseuse atteint en fin de croissance que de l’importance de la perte osseuse liée à la ménopause et/ou à l’âge ». C’est ce que rappelle le Dr Olivier Bruyère, épidémiologiste du département de santé publique à l’Université de Liège. Pendant l’enfance et l’adolescence, les effets favorables du lait et des produits laitiers sur la santé osseuse sont largement démontrés : les enfants qui consomment peu de lait ont une masse osseuse plus faible et un risque de fracture avant la puberté plus élevé que les autres.
Chez l’adulte, il est aussi établi que les produits laitiers ont un effet bénéfique sur la densité minérale osseuse et les marqueurs sanguins du métabolisme osseux. Autant de paramètres considérés comme des marqueurs du risque d’ostéoporose.
Calcium et vitamine D diminuent le risque de fracture
Vis-à-vis du risque de fracture proprement dit, les données épidémiologiques sont peu nombreuses et parfois contradictoires. Dans l’étude suédoise, on le trouve augmenté chez de très grandes consommatrices de lait (600 ml par jour et plus, alors que les Français en consomment en moyenne 100 ml). Mais ce résultat n’est pas retrouvé chez les hommes.
Et surtout, la consommation de yaourts, lait fermentés et fromages est associée à une diminution significative du risque. D’autres études, menées notamment en France et en Grande-Bretagne, suggèrent de leur côté qu’une alimentation pauvre en produits laitiers augmente le risque de fracture. En fait, au-delà des études d’observation, seuls les essais dits d’intervention (qui modifient un facteur alimentaire, médicamenteux ou de mode de vie) peuvent affirmer un lien de cause à effet concernant les fractures. En pratique, ils ne sont pas faisables avec un groupe d’aliments sur une longue durée. Mais ils donnent d’excellents résultats pour le calcium et la vitamine D prescrits en suppléments chez les personnes âgées: de nombreuses études démontrent que la prise de calcium et de vitamine D diminue significativement le risque d’ostéoporose et de fracture.
Privilégier les apports alimentaires
Des apports calciques adéquats ont donc un effet favorable sur le risque de fracture. Les autorités scientifiques conseillent de privilégier les apports alimentaires. Principale source de calcium, les produits laitiers apportent, en plus, d’autres nutriments essentiels à l’os, comme les protéines et la vitamine D (cette dernière seulement dans les produits non écrémés). Mais les protéines elles-mêmes font à leur tour l’objet de rumeurs, les accusant d’être « acidogènes » et de pouvoir entamer le calcium osseux. « L’alimentation moderne n’acidifie pas l’organisme et n’a aucun effet négatif sur l’os », répondle Pr Tanis Fenton, de l’Université de Calgary (Canada). Quels que soient les apports de protéines. L’acidité retrouvée dans les urines prouve que le rein fait bien son travail d’élimination et ne signifie pas qu’il y a une augmentation de l’acidité dans le sang. « Heureusement, ajoute-t-elle, sinon l’espèce humaine aurait disparu depuis longtemps ! »
« Les produits laitiers sont essentiels à la santé osseuse du fait de leur richesse en nutriments essentiels », conclut le Dr Bruyère. Et « il serait souhaitable de mettre en place des stratégies de santé publique pour que la recommandation de consommer 3 produits laitiers par jour soit appliquée ». Associés à une activité physique régulière et une exposition (modérée) au soleil pour la vitamine D, les produits laitiers sont aujourd’hui considérés comme la meilleure prévention de l’ostéoporose et des fractures.
Pour aller plus loin :
*World congress on osteoporosis, osteoarthritis and musculoskeletal diseases, Milan, 26-29 mars 2015.
** Dairy products & bone health: turning facts and beliefs into clinical practice, Milan, 28 mars 2015.
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