Des criquets dans nos assiettes ?

Selon la Food and Agriculture Organization (FAO), « les insectes complètent les régimes alimentaires d’environ deux milliards de personnes » et le développement d’un élevage d’insectes à grande échelle pourrait répondre au problème de sécurité alimentaire globale et d’approvisionnement en protéines qui risque de se poser d’ici 2030, car c’est plus de neuf milliards de personnes qui devront être nourries.
Il n’est donc pas étonnant que les atouts nutritionnels et thérapeutiques de l’entomophagie aient fait l’objet d’une intervention (1) lors des Journées d’études de l’Association française des diététiciens nutritionnistes à Tours en juin dernier.

Plus de mille espèces comestibles

Criquets, punaises, sauterelles, termites, fourmis, mouches, etc., à des stades de développement différents ainsi que leurs productions comme le miel sont consommés dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, d’Amérique centrale et du Sud, précise Élisabeth Motte-Florac, ethno-pharmacologue ; et de souligner que cette pratique très ancienne remonte aux Australopithèques. Alors que dans certains pays les insectes peuvent constituer déjà jusqu’à 30 % de la ration alimentaire, leurs avantages nutritionnels et leurs atouts en termes de production durable commencent à être reconnus en Europe et en Amérique du Nord jusque-là profondément entomophobes, constate la chercheuse.
En effet, selon l’état des lieux dressé par l’Anses (2), d’une part les taux de croissance et de conversion alimentaire des insectes seraient élevés par rapport aux élevages conventionnels d’animaux de rente, d’autre part l’impact sur l’environnement serait moindre, du fait de faibles émissions de gaz à effet de serre et de l’espace plus réduit que leur élevage nécessite. De plus, selon le même rapport, les insectes sont des aliments très nutritifs, avec un contenu énergétique similaire à celui de la viande, riches en protéines, lipides, minéraux, vitamines et avec des compositions en acides aminés en général bien équilibrées pour les besoins humains.
Cependant, souligne Élisabeth Motte-Florac, «consommer des insectes ne saurait être limité à des arguments biologiques », il faut tenir compte de la participation des données culturelles, sociales et psychologiques aux goûts et dégoûts et, de fait, de la valeur qui leur est accordée.

La prudence reste de mise

Dans de nombreux pays, l’entomophagie est pratiquée à des fins médicinales, rappelle l’ethnopharmacologue : ainsi, la consommation de 100g de chenilles par jour est préconisée dans certains pays d’Afrique pour compenser les fortes carences en fer dont souffrent de nombreuses femmes. À noter qu’en général la dose d’insecte médicinal ingérée se limite à quelques exemplaires, précise la chercheuse. Cependant, manger des insectes n’est pas sans danger et requiert un certain nombre de précautions à mettre en place (détermination exacte de l’espèce, condition d’élevage, qualité de la nutrition animale).
En effet, l’analyse de l’Anses relève divers dangers sanitaires liés à la consommation d’insectes. Il peut s’agir de dangers spécifiques à l’espèce – toxiques fabriqués (acide formique, quinones, venins...) ou accumulés par l’insecte (pesticides, métaux lourds, polluants organiques persistants...), facteurs antinutritionnels (acide phytique, oxalates, acide cyanhydrique...), allergènes – ou de dangers liés aux pratiques de l’élevage, de transformation ou de conservation. Peu d’informations sont encore disponibles sur les dangers microbiologiques, qu’ils soient parasitaires (parasitoses dues à des cercaires, des nématodes, maladie de Chagas, toxoplasmose...), viraux, bactériens, fongiques...

En conclusion

Si plusieurs organisations internationales se sont prononcées favorablement sur la valorisation des insectes pour l’alimentation humaine et animale et que certains opérateurs, notamment français, y voient une opportunité et commencent à proposer des produits à base d’insectes, de nombreux travaux doivent encore être menés pour assurer la sécurité sanitaire de ces aliments.

Pour aller plus loin :
1. Présentation par Élisabeth Motte-Florac, ethno-pharmacologue, université de Montpellier, à la Journée d’études de l’AFDN, Tours, juin 2015.
2. Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), relatif à « la valorisation des insectes dans l’alimentation et l’état des lieux des connaissances scientifiques sur les risques sanitaires en lien avec la consommation des insectes », 12 février 2015


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